L'art génératif par l'Intelligence Artificielle :
Description : Contenu imaginatif, esthétique ou intellectuel qui exprime une idée ou un sentiment fort, qui représente la vision du générateur en tant qu'artiste.
En 1998 j'ai lu et entendu que Photoshop allait tuer le métier de photographe et diminuer considérablement le chiffre d'affaires des compagnies aériennes (et des hôtels) qui faisaient voyager les photographes, mannequins, maquilleurs et autres métiers connexes qui voyageaient toute l'année pour réaliser des shootings photos à travers le monde.
Le résultat on le connait aujourd'hui, les gens n'ont jamais autant voyagé et des dizaines de compagnies low-cost se sont développées depuis. Les photographes et les modèles sont encore plus nombreux qu'il y a 25 ans. Et l'avènement (bien réel) de Photoshop a donné beaucoup de travail a beaucoup de monde et a créé de nouveaux métiers (retoucheurs et photographes de studio, entre autres). Ces changements, fondamentaux à l'époque, ont également donné naissance à ces fameuses banques d'images permettant de servir de base à l'élaboration d'images en haute-définition lorsque un client n'avait pas le temps ou le budget nécessaire pour envoyer toute une équipe au bout du monde pour produire une image sur-mesure. Et la disponibilité de ces images online a créé des milliers d'emplois liés à leur distribution et aux copyrights (chasseurs d'images volées et bureaux d'avocats spécialisés).
Vers 2005/2006 on m'a dit que je n'allais plus avoir de travail (création de sites internet) depuis l'arrivée de Wix (et Weebly, WordPress, Squarespace, etc.) qui sont des plateformes en ligne permettant de créer et de personnaliser, sans nécessiter de connaissances ni en programmation ni en graphisme, des sites internet gratuitement. Aujourd'hui pourtant, je n'ai jamais eu autant de travail au niveau de la création et du développement de sites web.
Pourquoi ?
Tout simplement parce que - grâce à l'accessibilité généralisée de ces outils - des millions de personnes ont pu essayer et tester leur capacité à créer des images ou des sites internet. Ce qui a - à la fois - tiré les prix vers le bas (bcp plus d'offres que de demandes) mais aussi - et surtout - diminué la qualité générale de ce qui est proposé aujourd'hui.
Ce n'est pas parce que des briques et du ciment sont vendus au magasin de bricolage du quartier qu'on est capable de construire sa maison.
Cet engouement généralisé a révélé certains talents (ce qui est une très bonne nouvelle) mais a également mené à "professionnaliser l'amateurisme" ou - pire - à créer de véritables arnaques. Combien de fois de nouveaux clients nous ont dit avoir payé un site, s'être fait livrer le travail ou une partie du travail, puis ne plus avoir aucune nouvelle de leur prestataire (pour X raisons). Se trouvant désemparés et devant faire appel d'urgence à une agence professionnelle pour pallier aux manquements du prestataire précédant qui leur avait seulement vendu un prix.
Il en ira de même pour l'Intelligence Artificielle en ce qui concerne les métiers artistiques. Que ceux-ci soient visuels, textuels ou auditifs. Le profusion de l'offre (on voit déjà sur Facebook (Avril-Mai 2023) des centaines de nouveaux profils se définissant comme "Digital AI Artist" ou "AI Digital Studios", on trouve déjà sur YouTube des chaines qui vous expliquent comment se faire de l'argent avec l'IA, et, dans pas longtemps on trouvera des formations du genre "Certified AI Prompter" etc. Chaque nouvelle technologie traine dans son sillage son lot d'opportunistes ou de désœuvrés qui soudainement se sentent pousser des ailes d'artistes.
Mais il n'y a pas que ça. Si on va visiter des groupes "Midjourney" dans Discord ou sur des groupes Facebook, il y a de vrais bijoux. De vraies bonnes idées et de très belles réalisations. Et sans doute pas toutes "promptées" (je ne connais pas le mot exact mais on aurait tort de parler de "réalisation" dans le cas de l'IA) uniquement par des photographes ou graphistes professionnels. Il existe d'ailleurs des dizaines de chaines YouTube consacrées à "l'art du prompt" fait par des passionnés et qui sont vraiment hyper-intéressantes pour évoluer dans la maîtrise de la génération d'images par l'IA.
En résumé : s'adapter.
Le clé de tout, comme dans beaucoup de situations, c'est notre capacité à s'adapter qui sera déterminante. Il est normal et sain de vouloir légiférer au niveau de l'IA en général mais je suis un peu triste de voir certains graphistes, photographes ou illustrateurs se battre "contre" l'Intelligence Artificielle. Ca me fait penser aux grosses compagnies de disques dans les année 2010 qui se battaient contre Spotify puis contre Apple Music. Ils ont perdu un temps précieux en tergiversations légales pour, in fine, devoir reconnaitre que ces plate-formes répondaient à une demande pré-existante de la part du public et que celles-ci n'étaient pas à l'origine du changement de comportement des consommateurs. Ils ont fini par suivre mais n'ont jamais rattrapé le retard qu'ils ont perdu en refusant le changement.
Je crois sincèrement que les graphistes / illustrateurs / photographes / créatifs qui proposeront en amont une valeur ajoutée à leur travail, comme la réflexion, la qualité du projet et l'excellence dans l'exécution de leur art, trouveront toujours des clients sensibles à leur travail. Seuls les clients (même s'ils sont légion) qui sont à la recherche de l'achat d'un prix plutôt que d'un service global seront sensibles au "Tout-IA" proposé par des amateurs (fussent-ils éclairés).
Les seuls vrais perdants (déjà aujourd'hui) des images générées par l'Intelligence Artificielle sont les sites de vente de banque d'images. Se payant à la commission sur les images vendues par les photographes et illustrateurs présents sur leurs plate-formes, de plus en plus de monde se dirigera vers Midjourney ou d'autres générateurs d'images. Pas uniquement pour éviter de payer les images qu'ils utilisent mais aussi pour éviter les processus administratifs qui sont générés par les droits d'auteur (souvent limités dans le temps ou dans l'espace) sous-traités par des cabinets d'avocats qui gèrent ces droits pour les auteurs qui mettent leurs œuvres à disposition.